Vendôme, corps et troupes

 

Ce fut un Vendôme d'essais transformés, de confirmations et d'audacieux fonds de terroir. Soulagement de spectateur: devenue norme du court, l'aide des collectivités territoriales évite, grâce à la programmation de Fabrice Bassemont, les dérives folkloristes des cartes postales animées. Ce fut en conséquence la consécration d'auteurs qui s'émancipent du pittoresque pour s'aventurer vers l'infra-ordinaire des corps. (…)

En ce sens s'avère exemplaire la rétrospective consacrée, hors compétition, à jean-Gabriel Périot, qui présentait l'intégrale 2000-2008 de son œuvre brève. Vraie-fausse entrée en cinéma par le coming out, la provocation pornographique à deux balles. N'empêche. Dès ses débuts se déploie, avec Journal intime, une éthique de la déconstruction qui fait de lui aujourd'hui un monteur et un cinéaste d'exception. Rien d'étonnant, donc, à le voir d'emblée saisir son propre corps, en exhiber les sutures et le délester méthodiquement de ses appendices séparables - lentilles, dentier. Libre cours est dès lors laissé à une fascination toute politique pour le défaire. L'implacable logique oppose, en 2005, les plans, montés à l'envers et au miroir, de Undo à l'accumulation photographique de Dies Irae qui induit un voyage sans retour possible vers la barbarie concentrationnaire.

D'autres films questionnent le dessous de l'image, interrogeant les représentations triomphalistes et ultralibérales du monde du travail - We are winning don't forget, 2004 - pour retrouver le chaos social. Même démarche appliquée à l'Histoire, en 2006, avec l'insoutenable et sublime Eût-elle été criminelle qui contracte, dilate, rejoue ou recadre des images d'archives de l'épuration ainsi que leur B.O. officielle, martiale et marseillaise. Périot poursuit son travail en 2007 avec 200 000 Fantômes qui superpose plusieurs centaines de clichés du même site d'Hiroshima photographié entre 1914 et 2006, renonçant pour un temps à l'hypnose du flickering et du subliminal pour traquer la hantise des vies atomisées. Peu importe que l'entrée en fiction du cinéaste - Entre chiens et loups, 2008 - s'avère pour l'heure frustrante : on compte désormais sur JGP.

 

Par Thierry Méranger
Les Cahiers du Cinéma, février 2009